Conte moi le monde…


Le mystere Chavez
21 juin 2008, 18:11
Filed under: Non classé
Chavez fait couler beaucoup d’encre autour de lui et de sa politique. Autant, nous pouvons lire beaucoup de choses sur sa politique exterieure autant il nous a ete difficile de trouver des infos sur sa politique interieure. C’est donc en discutant avec des touristes ou encore avec des hommes d’affaire peruviens que nous avons reussi a glaner quelques infos.
Tout cela est a prendre avec des pincettes, bien entendu, etant donne que ce ne sont que des temoignages. Mais, tous concordent et vont dans le meme sens.
Chavez manipule les foules, et tient a garder le controle sur son peuple. Voici quelques exemples assez marquants.
– Une loi est passee au debut du mandat de Chavez instituant le fait que " tous les enfants mineurs sont la propriete de l’etat du Venezuela. A ce titre, il leur impossible de quitter le pays, l’etat ne leur delivrant pas de passeport".
– Le prix des produits alimentaires est, au Venezuela, assez eleve pour la majorite de la population. Et comme dans beaucoup de pays, il va en augmentant. Mais, si vous avez votre carte de partisan de Chavez vous pouvez vous rendre dans des boutiques "subventionnees" ou les prix sont nettement inferieurs. Avec votre carte de partisan vous avez aussi acces a certains services gratuitement.
– L’education superieure n’est pas soutenue et les jeunes sont pousses a ne pas poursuivre leur education.
– Medias sous controle et peu (ou pas) d’infos internationales.
L’objectif semble assez simple et vieux comme le monde : on garde les yeux de la population fermes pour les manipuler plus facilement. On exacerbe le social pour mieux museler.
 
Contrairement a ce qu’on a pu voir en Bolivie, ou Evo Morales est un grand ami de Chavez,  l’homme et sa politique sont peu apprecies au Perou. Cela se ressent au prix de l’essence a la pompe : 1 euros le litre. Le Perou a refuse l’aide Venezuelienne de peur de voir Chavez s’introduire dans les affaires nationales et guider de loin la gestion du pays.
 
De notre cote, on se demande ce que pensent les grandes puissances occidentales de la montee en puissance de cet homme qui utilise, contre elles, les memes armes politiques et economiques qu’elles manipulent si aisement.


Les dangers de la gratuite
21 juin 2008, 17:52
Filed under: Non classé
En 1990, un japonais, Fujimori, prend la tete du Perou. Il restera 10 ans a son poste. En 2000, suite a des soupcons de corruption, il demissionne et se refugie au Japon. Pour certains Peruviens, Fujimori a plonge le Perou dans une crise dont il n’est pas encore sorti. En effet, parallelement a un regime severe pour andiguer une inflation galopante, Fujimori a developpe un programme social populaire, base sur la gratuite : ainsi les plus pauvres pouvaient vivre sans (ou presque) travailler, persevant les aides de l’etat. Tout ceci nous a paru tres bien, a premiere vue, le gouvernement a redistribue les richesses. Mais, pour les Peruviens, Fujimori a cree "une generation perdue" ayant vecu sur les aides et n’ayant pas construit leur avenir. En effet, les enfants ont ete peu scolarises et des habitudes nefastes ont ete prises. La politique du tout gratuit n’a pas que du bon et ne favorise pas forcement la modernisation et l’amelioration des conditions de vie.
Toledo, faisant suite a Fujimori, a tente d’instaurer un systeme base sur la participation et non plus sur la gratuite. Son gouvernement fut tres impopulaire.
Aujourd’hui, les ecarts se sont encore plus creuses et la population reclame au gouvernement une meilleure redistribution des richesses. Mais, l’exode rural s’amplifie et les gens des campagnes, arrivant en ville, ont du mal a se plier a un systeme aux regles plus strictes. Il est vrai qu’il est difficile de comprendre et d’accepter de donner un peu de ses revenus a l’etat pour mieux percevoir ensuite. La corruption etant telle, les gens preferent garder leurs revenus plutot que de le donner a la nebuleuse etatique.
Mais, le systeme de sante, l’education ont besoin aujourd’hui d’etre reformes. Sans cela, les inegalites continueront de grandir. Esperons que Garcia aura compris ses erreurs passees (il fut president de 1985 a 1990) et menera le pays sur la voie du developpement durable sans tomberdans le piege des reformes a court terme visant a developper sa quote de popularite.
 
 


L’inegalite de l’acces au soin
21 juin 2008, 17:21
Filed under: Non classé
Nos 36 heures a l’hopital de Belen nous ont permis d’ouvrir les yeux sur l’inegalite flagrante de l’acces au soin.
Nous souhaitons vous faire plonger dans l’univers des urgences d’un pays pauvre. Bienvenue a l’hopital public Belen, Trujillo.
 
Tout commence par l’arrivee a l’hopital : murs en decrepitude, mobiliers abimes ou inexistants, insalubrite. Une file d’attente de 30 personnes attend devant les grilles des urgences ou 2 vigiles gerent le flot. En tant qu’etrangers, nous ne devons justifier de rien et entrons, sans souci, directement. Pas d’admission, c’est a chacun de se debrouiller pour trouver de l’aide. Les gens arrivent en taxi et transportent leur proche dans leurs bras. Nous croisons des accidentes, des femmes enceintes en sang, chacun cherche sa route. Nous tombons sur un patient qui nous indique ou nous diriger. Nous arrivons dans la salle de "Traumatologia" ou un interne nous prend en charge. Une table, deux chaises sans dossier, un brancart rouille et un paravent arache, voila la salle de consultation. 10 minutes apres notre arrivee, je me retrouve avec 3 ordonnances dans les mains.
– "Et, qu’est ce que j’en fais?", je demande a l’interne.
– "Faut aller a la caisse, payer, et puis a la pharmacie", me repond-il.
– "Oui, mais, pour le soigner, vous allez faire quoi", je demande
– "Ben, rien tant que vous ne payiez pas!", dit-il, tout etonne de ma question.
Commence pour moi le debut du marathon et des allers-retours entre la salle de consultation et la caisse de l’hopital.
Je suis donc un etudiant qui a accepte de venir m’aider. Vu le boulot qu’ils ont, c’est bien gentil! Et la, je me retrouve avec tous les autres, devant l’unique caisse de l’hopital pour payer les frais des examens de Guillaume mais aussi tout le materiel des medecins : seringues, gants, gaz, perfusion etc… meme le thermometre! Et oui, ici, les medecins n’ont aucun materiel. Pour que le patient soit soigne, il faut au prealable acheter tout le necessaire. La queue est assez longue, il me faut 1/4 d’heure pour passer devant le caissier et encore 1/4 d’heure pour faire la queue a la pharmacie et recuperer tout le materiel. Il manque des medicaments, je dois donc sortir dans la rue pour aller dans une des pharmacies en face pour acheter le complement. Ca y est, j’ai tout. Je retourne aupres de Guillaume qui n’a pas bouge. Dans la meme piece, une femme enceinte, a la main toute ouverte, attend patiemment que son mari ait fait la queue et achete le materiel pour qu’on la recouse. Je laisse a Guillaume tout le materiel et pars telephoner a l’assurance. Il est presque minuit, c’est assez difficile de trouver un locutorio ouvert! 1/2 heure plus tard, je reviens a l’hopital! L’interne se rue sur moi en me disant qu’on m’a cherche partout, que je n’ai pas laisse la facture comme quoi j’ai paye les examens, sans cela, rien ne peut se passer. Ils ont emmene Guillaume pour faire les radios et l’ont laisse la, dehors, dans le froid, sans couverture, sur le brancart, car il n’avait pas le papier!
Je comprend alors que je ne peux pas m’absenter, que si je ne suis pas la a chaque instant pour regler l’administratif et passer a la caisse, Guillaume ne sera pas soigne.
On lui fait enfin les radios. Personne ne l’aide a descendre du brancart et a monter sur la table. Le manipulateur le regarde se tourner difficilement pour se mettre dans la bonne position. Je dois raler pour qu’on m’aide a le soulager. Je reste la pour recuperer les radios tandis qu’on ramene Guillaume en bas. Je l’entend de loin dire "Cuidado", l’etudiant vient en effet de foncer dans un mur avec le brancart!
De retour en bas, on propose a Guillaume une piqure pour la douleur, je vais acheter le necessaire. Pas d’infirmiere, les internes m’expliquent que ce n’est pas leur job. J’arpente donc les couloirs a la recherche d’une dame en bleu. Finalement, j’en trouve une, bien gentille qui accepte de se deplacer. Elle me propose de nous aider pour le test d’urine.
– "Ou est le recipient?", me demande-t-elle.
– "Ben, j’en ai pas.", je repond.
– "Ah, ben faut aller l’acheter", me dit-elle.
Et me voila repartie a la caisse et a la pharmacie. Mon petit "Vaso" a la main, je suis l’infirmiere qui nous montre les toilettes. Par terre, c’est plein de sang, le service de netoyage ne travaille pas la nuit, m’explique l’infirmiere. Il me faut emmener l’urine au labo et y attendre les resultats pour les emmener au medecin. C’est parti. Au labo, une seule personne travaille pour tout l’hopital. Il me faut encore faire la queue pour donner l’echantillon, sans oublier la facture justifiant le paiement!  Meme combat pour que le type du labo se deplace pour faire le prelevement de sang! Il m’a quand meme fallu presque 1 heure pour reussir a le faire venir.
A 8 heures, l’equipe de jour arrive, je suis bien contente. Les medecins chef sont la, les infirmieres sont bien plus nombreuses, l’encadrement est bien meilleur, meme si tout ce petit monde ne communique pas et qu’en 1/4 d’heure, on a pris 10 fois la tension a Guillaume, les infirmieres n’inscrivant pas les resultats dans le dossier.
Guillaume a ete transfere en salle d’observation, sur un lit de fortune. Dans cette salle, une vingtaine de patients, separes d’un petit metre, les uns des autres. On fait vite connaissance de nos voisins de lit.  La realite de ses personnes est bien differente de la notre. Tous se demandent s’ils seront capables de payer les soins de leur proche. On surprend des conversations terribles
– " Moi, j’ai paye une ambulance et deja pas mal d’examens, il doit se faire operer, mais je n’ai assez d’argent, je le ramene chez nous, on priera dieu."
ou
– " T’as vu mon cheri, maman a reussi a acheter tout ce que le docteur voulait."
Les familles sont mises fortement a contribution : ce sont les proches qui ramenent les urinoirs, qui les vident, qui aident a la toilette, qui vont chercher les resultats des examens. Ils obtiennent peu d’informations et en demandent peu aussi. Ils font confiance aux medecins mais le stress les envahit . Nous nous retrouvons a rassurer les familles qui nous entourent.
-" Une operation de la prostate, c’est courant a son age, ne vous inquietez pas, ca va bien se passer."
-" L’appendicite, c’est classique, j’ai ete operee egalement, la technique est parfaitement maitrisee."
De mon cote, je vais voir les medecins apres chaque resultat pour comprendre les chiffres. Les internes sont etonnes que je cherche a comprendre. Le directeur en personne descend prendre de nos nouvelles. On se sent un peu favorise, c’est un sentiment etrange, melange de gene et de soulagement. Nous regardons tous ces gens dans la salle d’observation et nos coeurs se serrent. Nous savons que nous sortirons rapidement et en ayant recu les meilleurs soins, nous avons l’argent et l’ambassade suit notre dossier. Rien n’est sur pour tous ces gens, l’injustice commence la!
Dans les couloirs, ma tete de gringo m’attire toutes les demandes des gens en detresse. On vient me demander d’aider pour payer les soins d’un enfant, d’une vieille dame. Je ne peux pas, je les vois partir de l’hopital en ayant recu les soins minimums.
 
Ces 36 heures nous ont fait prendre conscience d’une chose : le cout du soin. Nous n’y sommes pas habitues. La "gratuite" des soins en France nous a fait perdre conscience que soigner a un cout, un cout assez eleve. C’est une enorme chance que de ne pas avoir a se demander a chaque instant si on est capable d’assumer les frais. En France, le patient est totalement pris en charge, la famille ne joue pas, comme au Perou, le role d’aide soignant. Mais, d’un autre cote, nous sommes aujourd’hui convaincus que nous ne perdrions pas a donner aux gens une notion du cout du soin. Nous aurions a apprendre de la gestion de l’hopital Belen : pas de "sur-examens", prescription du nombre juste de medicaments (et non de la boite en entier)… 
 
Avec l’acces a l’education, l’acces au soin est l’un des points de developpement de la plupart des pays que nous avons traverses. Et encore au Perou, les pauvres beneficient de l’aide de l’etat. Certes, ils n’ont pas acces a tous les soins mais dans les hopitaux public, ils sont surs d’etre pris un minimum en charge. Le gouvernement de Garcia a d’ailleurs developpe un programme de sante assez complet avec l’idee d’ameliorer le service des hopitaux publics (achat de materiel etc… ) et de sensibiliser la population. En effet, beaucoup de gens rechignent encore a faire appel a la medecine et se contentent de consulter les medcins traditionnels qui soignent uniquement avec les plantes. Les equipes qui nous ont pris en charge etaient competentes et tres pro.  Beaucoup avaient ete etudier en dehors du Perou. Les systemes d’echange entre pays sont vraiment a developper. Les etudiants francais ne perdraient pas non plus a faire un tour dans un hopital comme l’hopital Belen. Nous avons d’ailleurs croise un jeune americain.
 
Mais, investir dans la sante, cela a un cout. Quand on sait que la majorite des peruviens ne payent pas leurs impots et que la corruption fait encore des ravages, comment l’etat peut-il investir de l’argent dans tous les domaines simultanement?